Filpac-Cgt Wolters Kluwer France

Participation : où en est-on ?

24 janvier 2018

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Cour de cassation
Mercredi 24 janvier 2018, la chambre sociale de la Cour de cassation examinera
le pourvoi fait par la direction WKF contre la décision de la Cour d’appel de Versailles du 26 février 2016 qui a fait droit aux demandes de la CGT, de la CFDT, de la CNT
SNJ de voir le montage financier réalisé en neutralisé afin de permettre de dégager une réserve de participation pour les salariés. C’est lors de l’audience que nous connaîtrons la date du délibéré, c’est à dire la solution retenue par la Cour de cassation. Nous sommes défendus par le cabinet Hélène Masse, la direction a choisi le cabinet Celice. Trois solutions sont possibles : la chambre sociale peut confirmer la décision de la Cour d’appel de Versailles, elle peut l’infirmer ou décider que l’affaire doit être examinée de nouveau par une autre cour d’appel. La chambre sociale siégera en formation normale et a accepté, ce qui est rare, que l’affaire soit oralement plaidée.

 

Montage financier
Pour mémoire et pour ceux de nos collègues qui ont rejoint WKF après 2007, nous rappelons qu’en 2007, la direction a proposé de regrouper les neuf sociétés composant le groupe Wolters Kluwer France en une seule société. Or, les représentants du personnel apprendront bien après la réalisation de cette opération de fusion, que ces modalités de réalisation n’étaient qu’un moyen de réaliser un double coup : rendre la nouvelle société WKF non passible de l’impôt sur les sociétés et supprimer définitivement toute possibilité de dégager une réserve de participation en faveur des salariés, autrement dit faire baisser le coût du travail. Car la fusion n’a pas été réalisée par transmission universelle de patrimoine, mais par cession ! En langage commun : on a acheté ce qu’on possédait déjà en s’endettant auprès de la maison‐mère. C’est un LBO, mais un LBO incestueux !

 

Endettement structurel
Cette gestion uniquement financière a eu comme premier effet de faire naître une nouvelle société WKF surévaluée et endettée auprès de la société‐mère, dont le siège social se trouve aux Pays‐Bas, l’autre pays… de l’optimisation fiscale. Évaluée à hauteur de 753 millions d’euros, la nouvelle société WKF inscrit à son passif un emprunt de 445 millions d’euros qui a comme échéance 2022. Depuis 2007, la société WKF a remboursé plus de 110 millions d’euros d’intérêts. L’emprunt lui‐même a été remboursé le jour même du prêt par une remontée de dividendes exceptionnels de 555 millions d’euros !
Cet endettement n’est évidemment pas sérieux si l’on songe que les sociétés de presse et d’édition devaient faire face aux défis du numérique et investir pour garder leur compétitivité en assurant leur mutation. D’ailleurs, à notre grande surprise, les avocats de la direction ont affirmé dans leurs écritures que seule la société WKF était lésée et subissait un préjudice. Difficile après cela de prétendre que ce montage financier et cet endettement est favorable à la société Wolters Kluwer France. Nous sommes tous doublement lésés par cette décision, à la fois en tant que salariés et en tant que contribuables.

 

Optimisation fiscale
L’endettement artificiel de WKF a comme premier effet de rendre son résultat net d’exploitation égal à zéro. Du coup la société WKF n’est plus passible de l’impôt sur les sociétés. Or, l’impôt que ne paie pas l’entreprise doit être compensé par l’impôt des particuliers. Avant la fusion de 2007, le groupe WKF payait environ 16 millions d’euros d’impôt sur les sociétés tous les ans. Cet argent a manqué à la collectivité. Pourtant l’État français s’est toujours montré attentif au sort des sociétés de presse puisqu’elles bénéficient d’un statut d’aides spécifiques qui se cumule avec les autres aides prévues pour toutes les entreprises en France. Ainsi aux quatre millions (avant cessions des pôles Santé et Presse) versés tous les ans au titre des aides à la presse, il faut ajouter les abattements de cotisations sur les bas salaires (1,8 Smic) et maintenant le CICE. La direction actuelle de WKF explique que les journalistes qui bénéficient d’un abattement fiscal sont malvenus à critiquer les décisions d’optimisation fiscale de l’entreprise. La direction semble oublier que la plupart des salariés de WKF ne sont pas journalistes et que l’abattement fiscal des journalistes qui n’ont pas été cédés avec le pôle Presse est concédé par l’État pour que les maisons de presse puissent appliquer une certaine modération salariale à leurs journalistes ! Enfin, rappelons que l’impôt est aussi un moyen démocratique de répartir plus équitablement la richesse et de corriger un tant soit peu les inégalités.

 

Faire baisser la rémunérationdes salariés WKF
Le deuxième effet du montage financier est de supprimer la réserve spéciale de participation. L’endettement suffit à réduire à néant cet élément de rémunération aléatoire lié aux résultats. Avec l’endettement de WKF, la participation a perdu son caractère aléatoire puisqu’il est certain que la dette anéantit toute possibilité d’un résultat net positif permettant de dégager une réserve spéciale de participation en faveur des salariés. On est donc passé d’un groupe français qui avait les meilleurs résultats en chiffre d’affaires et en EBITA et qui payait relativement bien ses salariés, à une structure endettée, freinée dans son développement et qui a fait chuter sa masse salariale. Avant la fusion, Wolters Kluwer reversait environ 5 millions d’euros par an aux salariés en participation. L’endettement artificiel de WKF a mis fin au mécanisme de la participation. D’ailleurs, malgré nos demandes récurrentes, et encore cet été, la direction n’a tout simplement jamais répondu à nos offres de négocier un accord de participation.
Rappelons que la participation a été instituée en 1967 par De Gaulle afin d’associer le « Capital » et le « Travail » et calmer l’antagonisme entre les intérêts de l’employeur et ceux salariés. C’est une obligation légale dans toutes les entreprises de plus de cinquante salariés. Manifestement, cet objectif d’apaisement social est violemment rejeté par la direction du groupe Wolters Kluwer, qui cherche systématiquement à faire prévaloir les intérêts des actionnaires, y compris par la fraude et l’abus de droit.

 

Construire une grande entreprise ?
Lorsque la direction du groupe français a présenté aux élus et aux salariés le projet « Cosmos » (c’est le nom du projet de fusion présenté aux CE en 2007), elle a souligné tout l’intérêt de devenir une « grande entreprise ». Aussi bien sur le plan comptable, que sur le plan économique et social. Mais assez curieusement, elle a immédiatement mis en œuvre une série de cessions (Tribune de l’Assurance, Val Informatique, pôle Santé et pôle Presse) et un plan social en 2009‐2010 (115 suppressions de postes) qui ont réduit la surface de l’entreprise et taillé dans les effectifs : on est passé de 1250 salariés en 2007 à 450 en 2017. La direction du groupe Wolters Kluwer a donc sciemment fait un coup financier avant de réorienter l’activité du groupe. Après les cessions d’activités d’éditions juridiques en Suède et en Angleterre, on sait aujourd’hui que ce qui intéresse WK n’est pas l’activité historique de ses sociétés en Europe. Aux États‐Unis, Wolters Kluwer est spécialiste de l’évasion fiscale. Il vient de fêter les 125 ans de sa filiale dédiée à la domiciliation d’entreprises dans l’État du Delaware, un grand paradis fiscal niché entre New York et Washington. Est‐ce vers le développement de cette activité, particulièrement lucrative, que tend maintenant le groupe ? Il est permis de se poser la question. Mais pour faire cela, pas besoin d’une grande maison de presse et d’édition spécialisée en France. La constitution d’un comité de groupe, comme le prévoit la loi française, permettrait de savoir ce que font les autres entreprises de Wolters Kluwer en France (Enablon, Ovid, Wolters Kluwer Financial Services, etc.). Mais depuis 2007, la direction refuse obstinément de respecter cette obligation légale de constituer un comité de groupe en France.
Dans le système juridique français, la liberté d’entreprendre est reconnue aux entreprises dans le but de favoriser l’activité économique. Si cette liberté les autorise à se réorganiser, elle n’autorise pas la fraude et l’abus de droit au détriment des salariés.