L’audit de la Cour des comptes : un prétexte pour renforcer l’austérité / Une crise qui profite aux actionnaires
4 juillet 2017
L’audit de la Cour des comptes : un prétexte pour renforcer l’austérité
Pour le gouvernement, l’audit de la Cour des comptes tombe au point nommé. Il va en profiter pour annoncer des nouvelles mesures d’austérité.
Dès la parution de l’audit, au mépris du « dialogue social » et des promesses qu’il avait faites aux organisations syndicales, le ministre de l’Action et des Comptes publics s’est précipité pour annoncer dans les médias de nouvelles « économies budgétaires » sur le dos des fonctionnaires. Il s’agit d’un nouveau gel du « point d’indice » sert de base de calcul de la rémunération des agents de la fonction publique.
Il faut préciser que cet indice avait été gelé entre 2010 et 2016. Ce gel a conduit à des pertes mensuelles comprises entre 230 euros et 820 euros selon catégorie d’agents. Et le faible « dégel » de l’indice en 2016 n’a en aucune manière compensé ces pertes.
A l’instar de M. Darmanin, d’autres ministres vont certainement aussi annoncer des réductions de dépenses socialement et économiquement utiles, soi-disant pour réduire le déficit budgétaire au nom du respect des « engagements » de la France vis-à-vis de la Commission européenne (le précédent gouvernement avait prévu un déficit public à 2,8 % fin 2017).
Le message de la Cour des comptes peut être résumé en une seule formule : l’Etat doit réduire ses dépenses.
Dans la foulée de la Cour des comptes, le commissaire européen aux Affaires économiques, enfonce le clou : « Pas question de nouveau délai mais simplement une politique budgétaire sérieuse (…) doit être au rendez-vous (…) je fais confiance au gouvernement français pour tenir ses engagements, comme je lui fais confiance pour présenter ensuite un budget 2018 qui lui permette de passer pour le coup clairement en dessous de 3 %, ce qui permettra à la France de sortir de (…) la procédure de déficit excessif » (propos tenus sur France 2, cités par La Tribune, 3 juillet 2017).
D’inspiration libérale, la thèse de la Cour des comptes, thèse que partage la Commission européenne, fait l’impasse sur le fondement et la logique de l’intervention de l’Etat. Elle fait aussi l’impasse sur le contenu et les choix de la puissance publique.
Le déficit budgétaire qui alimente la dette publique résulte de l’insuffisance des recettes de l’Etat, particulièrement les impôts, par rapport à ses dépenses. Et le contexte économique joue un rôle déterminant dans l’évolution des recettes et des dépenses.
D’une manière générale, lorsque l’activité économique est faible, ce qui est le cas en France depuis 2008, les recettes et particulièrement les impôts tendent à baisser, alors que certaines dépenses, notamment les dépenses sociales, tendent à augmenter. Autrement dit, dans les périodes de crise économique, la hausse du déficit budgétaire n’est pas anormale. Certains Etats augmentent même les dépenses dans la période de crise pour soutenir l’activité économique. C’est ce qu’a fait par exemple le gouvernement américain suite à la crise économique et financière de 2008.
La doctrine libérale fait l’impasse sur cette réalité que les dépenses de l’Etat sont nécessaires pour répondre aux besoins de la population et pour maintenir et développer les infrastructures nécessaires à l’activité économique et à la satisfaction des besoins.
Ces dépenses sont aussi autant de revenus pour les ménages ou les entreprises. Par exemple, la rémunération des fonctionnaires est autant de demande adressée aux entreprises. De la même manière, les investissements publics alimentent les carnets de commande des entreprises.
La doctrine libérale fait aussi l’impasse sur le contenu des politiques publiques. En effet, conformément à cette doctrine, les gouvernements successifs ont fait le choix de réduire l’impôt sur le capital. Ainsi, le taux de l’impôt sur les sociétés a été fortement réduit pour descendre à 28 %. Alors que certains impôts pesant surtout sur les ménages à revenu faible et moyen ont augmenté.
En même temps, les crédits d’impôt au profit des entreprises ont été multipliés, à l’instar du CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) qui a surtout amélioré les bénéfices des entreprises. Le pacte de compétitivité est un autre exemple des choix coûteux et inefficaces. Ces deux mesures coûtent chaque année 40 milliards d’euros au budget de l’Etat. C’est autant de déficit budgétaire et de dette publique supplémentaires. Dette dont le gonflement profite aux financiers : les charges d’intérêt de la dette sont de l’ordre de 45 milliards d’euros par an, somme supérieure aux dépenses de l’Etat pour l’enseignement primaire et secondaire.
Les annonces du ministre de l’Action et des Comptes publics, et plus généralement les orientations du gouvernement, confirment que le nouveau pouvoir n’entend pas le message des Français exprimés à travers les élections récentes. Ce message est clair : la grande majorité des Français est contre l’austérité et les politiques libérales qui conduisent, entre autres, à la dégradation des services publics et qui alimentent les inégalités.
Pour réduire le déficit budgétaire et la dette publique, la Cgt propose une refonte du système fiscal pour la justice sociale et l’efficacité économique, particulièrement une hausse de l’impôt sur le capital. Elle propose aussi d’évaluer et de supprimer les dépenses inutiles, surtout les aides accordées aux entreprises sans aucun résultat probant en termes d’emploi et d’investissement.
Une crise qui profite aux actionnaires
Selon une étude réalisée par la société de conseil PricewaterhouseCoopers (PwC), la valeur des actions des 100 plus grandes entreprises mondiales a progressé de 12 % en 2017, pour atteindre la somme astronomique de 17.438 milliards de dollars au 31 mars 2017 (soit cinq fois le produit intérieur brut de la France), contre 15.577 milliards à la même date en 2016 et 16.245 milliards de dollars en 2015.
Il faut rappeler que selon l’Organisation internationale du travail (OIT), la hausse des salaires est beaucoup plus faible à travers le monde : 1,7 % Chine comprise, 0,9 % si on exclut la Chine.
Sur ces 100 entreprises, 55 sont américaines et représentent 63 % de la valeur boursière de ces entreprises ; 17 % sont européennes et 12 % originaires de la Chine et de Hong Kong.
Quatre sociétés françaises se rangent parmi ces cent entreprises : Total, Sanofi, LVMH, dont la capitalisation a progressé de 29 % en un an, et L’Oréal.
Les entreprises de nouvelles technologies (Apple, Google, etc.) et les banques se trouvent parmi les 20 premiers. Preuve que des milliers de milliards mobilisés par les Etats et les Banques centrale suite à la crise financière de 2008 ont surtout profité aux actionnaires.
La plupart de ces entreprises cherchent à échapper aux impôts, à l’instar de Google, en faisant de « l’optimisation fiscale ».
L’année dernière, ces 100 entreprises ont versé 700 milliards de dollars (620 milliards d’euros, l’équivalent d’un quart du PIB français) à leurs actionnaires, soit une hausse de 4,5 % en un an. 60 % de cette somme sont versés au titre de dividendes et 40 % au titre de rachat d’actions.
La contrepartie de ces sommes gigantesques versées aux actionnaires est la pression permanente sur les salariés, la suppression des postes et la fermeture des sites, ce que fait par exemple Sanofi.
Selon l’OIT (« Les inégalités salariales au travail », Rapport mondial sur les salaires 2016 / 17), les inégalités salariales se sont creusées au cours des dernières décennies. L’OIT alerte ainsi sur les « conséquences sociales et économiques néfastes d’inégalités excessives ».
La hausse du prix des actions de ces entreprises témoigne aussi d’une accélération de la financiarisation de l’économie. En effet, depuis la crise financière de 2008, les banques centrales ont injecté des centaines de milliards d’euros dans l’économie. Cet argent n’a pas été utilisé pour le développement de l’emploi et de l’activité économique. Par conséquent, il a conduit à conduit à ce que les spécialistes appellent un « gonflement de bulles financières ».
A présent, de plus en plus d’observateurs alertent sur une nouvelle crise financière. A commencer par le Fonds monétaire international (FMI) qui, depuis 2015, tire la sonnette d’alarme sur les « tensions » provoquées par la hausse des valeurs boursières. Plus récemment, le journal patronal Les Echos titre : « La prochaine crise financière, inévitable et imprévisible » (16 juin 2017).
En effet, les politiques proposées par le Fonds monétaire international, tout comme celles de la Commission européenne, aliment les marchés financiers.
Pour sortit de cette crise dans l’intérêt des travailleurs, il faut mettre l’argent, la finance, au service du développement des capacités humaines, de l’emploi, des salaires, des investissements productifs.