Filpac-Cgt
Alliance, d’accord… Mais avec qui ?
28 avril 2020
À grand renfort de publicité dans l’entreprise La Provence, la fédération FO du livre, le SNPEP et le syndicat FO La Provence nous apprennent qu’ils ont été reçus par l’APIG (Alliance de la presse d’information générale) le lundi 9 mars pour « poursuivre les négociations » sur « une nouvelle mouture du Plan filière » « pour une finalisation (…), espérée en fin d’année ».
Ainsi, alors que notre organisation syndicale représente la majorité absolue dans les branches tant de la presse quotidienne et hebdomadaire en régions que de la presse quotidienne nationale (plus de 50 %), les représentants de l’APIG auraient choisi de négocier l’avenir de nos entreprises et de nos emplois avec un syndicat minoritaire (moins de 9 %) !?
Le 9 avril dernier, nous avons interrogé à ce sujet la direction de l’Alliance. Le silence méprisant qui a suivi tend à démontrer que les éditeurs ont décidé de se passer de notre organisation syndicale pour mener cette négociation.
Pourtant, la Filpac-Cgt avait été invitée par les éditeurs de presse nationale, régionale et départementale dans leurs locaux du 13e arrondissement parisien, le 20 novembre 2019.
Pour cette première rencontre, nous étions représentés par Patrick Bauret, notre secrétaire général, accompagné de Damien Dhont (groupe Rossel–Voix du Nord), Pascal Fiatte, (groupe Ebra), Marc Jarnoux, (groupe SIPA-Ouest-France) et Pascal Le Boulch, tous membres de la direction fédérale de la Filpac-Cgt.
Du côté patronal, la délégation était composée de Jean-Michel Baylet, président-directeur général du groupe La Dépêche et président de l’Alliance, Vincent David, président du groupe PMSO président de la PHR, Patrick Venries, président du directoire du groupe Sud-Ouest, Philippe Carli, président du groupe Ebra-Pôle presse du Crédit Mutuel, Jérôme Gabreau, DRH de Ouest-France, Gabriel d’Harcourt, directeur général délégué de La Voix du Nord, Jérôme Mancellon, directeur industriel et logistique du groupe Les Échos-Le Parisien, Yves Bonnefoy, directeur général adjoint du groupe Le Télégramme et président de la commission sociale de la presse en régions, Bruno Hocquart de Turtot, directeur général de la PHR et de l’Alliance, Jean-Louis Pelé, directeur général de L’Équipe.
Cette rencontre avait plusieurs buts. D’abord, notre fédération souhaitait vérifier que les deux parties travaillaient avec la même volonté d’élaborer une véritable convention collective du XXIe siècle pour la presse en régions.
Ensuite, nous voulions informer les éditeurs de notre intention de jouer pleinement notre rôle dans la mise en œuvre éventuelle d’un plan de filière.
Enfin, nous avons abordé d’autres points importants : l’accélération du regroupement des branches de toutes les formes de presse ; l’avenir de la presse locale et régionale avec la mise en place de bases de données centralisées de l’information ; la liberté de la presse et la protection des sources ; la baisse de diffusion des titres de presse et son incidence sur l’avenir de nombreux sites d’impression ; la position de l’Alliance sur l’impression numérique ; l’avenir de la distribution de la presse et notamment de Presstalis ; les droits voisins et l’attitude agressive des GAFAM ; les aides à la presse ; la menace de fermeture programmée de Chapelle Darblay…
Pour les éditeurs, la convention collective doit être un moyen de baisser les coûts en s’attaquant au temps de travail, aux indemnités de départ, etc. Pour la Filpac, elle doit rester le socle des droits sociaux fondamentaux des salarié×e×s et même représenter une avancée par rapport aux précédentes conventions, notamment en ce qui concerne l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes.
Pour ce qui est du plan filière, Jean-Michel Baylet avait tenu à rappeler que l’Alliance – confédération de syndicats patronaux – n’était pas compétente sur les sujets sociaux. Pour lui, cet organe lobbyiste servirait uniquement à réclamer l’aide de l’État, notamment concernant les mutualisations et les rationalisations d’impression, ainsi que le développement du numérique. À propos de la distribution de la presse, il indiquait que les éditeurs observaient avec attention les évolutions actuelles et à venir.
En fin de réunion et après avoir pris acte de nos désaccords, l’Alliance avait réaffirmé que la Filpac-Cgt, du fait de sa large représentativité, resterait l’interlocuteur privilégié pour discuter de toutes les évolutions des entreprises et des métiers du secteur.
Nous constatons aujourd’hui que l’Alliance a changé d’avis et qu’elle tente de contourner notre organisation syndicale en traitant avec un syndicat plus enclin à négocier – à la baisse !- les droits des salarié×e×s, contre un peu de “visibilité” dans une entreprise où il lui reste encore un soupçon d’audience.
La Filpac-Cgt a toujours été ouverte aux négociations et elle a démontré au fil des ans qu’elle était un interlocuteur fiable et responsable. Mais, elle tient à avertir les éditeurs de presse qu’elle n’acceptera leur passage en force, ni au niveau des branches, ni à celui des entreprises. Ses syndicats useront de tous les moyens nécessaires afin de leur rappeler, s’il en est besoin, qui est leur interlocuteur incontournable.
Il est par ailleurs évident que la pandémie actuelle et la crise sanitaire et sociétale qu’elle génère, changent en profondeur notre rapport à l’information. Loin d’un plan de filière, ne cherchant qu’à sauvegarder l’ancien paradigme de la presse écrite grâce à des plans sociaux et des aides de l’État, c’est véritablement un plan d’urgence qu’il faut mettre en œuvre.
La France a besoin d’un système de santé efficient et de matériels de protection, mais elle a aussi besoin d’un système d’information indépendant des pouvoirs de l’État et de l’argent !
Pour préparer ce monde d’après, où doivent continuer de prévaloir nos valeurs républicaines et démocratiques, nous devons renforcer et pérenniser toutes nos formes de presse et garantir tous les moyens d’une distribution pluraliste sur l’ensemble du territoire.
Pour relever ce défi, la Filpac-Cgt proposera à tous ses interlocuteurs, ainsi qu’à tous les acteurs concernés par ce plan d’urgence pour la presse et l’information, de travailler paritairement et avec l’aide de l’État à son élaboration.