Pôle économique de la CGT
CAC 40 : 30 ans d’enrichissement des actionnaires
11 janvier 2018
Plusieurs fois par jour, voire par heure, les médias, y compris les médias publics, nous informent sur les variations du CAC 40.
Une telle présentation est intimement liée à une idée fausse, entretenue par les libéraux et le patronat, selon laquelle le cœur de l’économie bat à la Bourse.
Qu’en est-il en réalité ?
C’est quoi le CAC 40 ?
Le CAC est l’abréviation de « cotation assistée en continu ».
Le CAC 40 constitue le principal indice de la Bourse de Paris. Il est calculé sur la base de la valeur (« cours ») des actions des 40 sociétés (entreprises industrielles et de services, y compris banques et assurances) les plus importantes présentes à la Bourse de Paris.
Le CAC 40 a été créé en décembre 1987, quelques mois après le fameux « krach de 1987 ».
Lors de sa création, la valeur de cet indice était de 1 000 (« 1.000 points de base »). Trente ans plus tard, au 31 décembre 2017, le CAC 40 dépassait les 5.300 (5.312 points exactement).
Un indicateur de la financiarisation de l’économie
Les actions des entreprises cotées à la Bourse font l’objet de transactions permanentes. De ce fait, la « capitalisation boursière » d’une entreprise cotée à la Bourse peut varier, et varie effectivement, dans le temps.
La capitalisation boursière résulte de la multiplication du nombre d’actions composant le capital d’une société par le cours de bourse de ces actions à une date donnée.
La capitalisation du CAC 40 représente la somme de la capitalisation boursière des sociétés qui composent cet indice.
La capitalisation du CAC 40 a été multipliée par plus de 20 en l’espace de trente ans : en 1987, lors de la création du CAC 40, sa capitalisation boursière était de 56,5 milliards d’euros ; elle a atteint 1.179 milliards en 2017.
Par comparaison, le produit intérieur brut (PIB) de la France était de 860 milliards d’euros en 1987 ; il est de l’ordre de 2.270 milliards en 2017.
La comparaison de l’évolution du CAC 40 qui témoigne de l’état de la Bourse et celle du PIB qui exprime la capacité réelle de la production des biens et services est très instructive.
Entre 1987-2017, le PIB a été multiplié par 2,6. Sur la même période, la capitalisation boursière du CAC 40 a été multipliée par 21, presque dix fois plus vite que la hausse du PIB.
Cet écart impressionnant entre l’évolution de la valeur ajoutée générée à travers la production des biens et services (PIB) et celle de la capitalisation boursière du CAC 40 est un indicateur important de la financiarisation de notre économie.
Un gonflement de la capitalisation boursière des sociétés du CAC 40
En 2017, la première capitalisation boursière du CAC 40 revient à LVMH avec 128 milliards d’euros. Lors de la création du CAC 40 en 1987, la capitalisation boursière de LVMH était de 2,63 milliards et cette entreprise occupait la 7ème place en termes de capitalisation boursière. Sa capitalisation boursière a été donc multipliée par presque 50 (48,7 plus exactement) en l’espace de trente ans.
Il convient aussi de rappeler le cas d’Elf Aquitaine avec une capitalisation boursière de 3,51 milliards en 1987 (1ère place). Le pétrolier Total occupe la 2ème place en 2017 avec une capitalisation boursière de 116,7 milliards. Même s’il ne s’agit pas de la même société, on note une capitalisation boursière multipliée par 33.
Trois autres sociétés se trouvent parmi les dix premières capitalisations boursières du CAC 40 aussi bien en 1987 qu’en 2017 : BNP-Paribas (Paribas en 1987), AXA (Compagnie du Midi en 1987) et Danone (BSN en 1987).
La capitalisation boursière de BSN (Danone) est passée de 3 milliards d’euros (3ème place en 1987) à 47,6 milliards en 2017 (10ème place). Elle a été multipliée par 16.
La capitalisation boursière de Paribas est passée de 2,7 milliards d’euros (6ème place en 1987) à 78,8 milliards en 2017 (4ème place). Elle a été multipliée par 29.
Enfin, la capitalisation boursière d’AXA est passée de 2,35 milliards (9ème place en 1987) à 62,3 milliards (7ème place en 2017). Elle a été multipliée par 26.
Au total, en l’espace de trente ans la capitalisation boursière des dix premières sociétés du CAC 40 a été multipliée par 29, passant de 28 à 800 milliards d’euros (précisons que la composition des « dix premiers de la classe » n’est pas la même en 1987 et en 2017).
Un contraste impressionnant avec ce que vivent les travailleurs
Selon les libéraux et le patronat, le développement des marchés financiers dont les évolutions de la Bourse est un indicateur serait nécessaire pour le bon fonctionnement de l’économie.
Effectivement, nous constatons une forte hausse de la Bourse et de sa place dans l’économie. Qu’en est-il alors en ce qui concerne les indicateurs économiques et sociaux ?
Les actionnaires ont largement profité de ces évolutions. Ainsi, les sociétés du CAC 40 ont versé plus de 540 milliards d’euros à leurs actionnaires au cours des dernières années.
Mais pour le monde du travail, le développement des marchés et la financiarisation de l’économie auront été synonyme de plus de souffrances.
Pour déconstruire le discours idéologique des libéraux et du patronat selon lequel pour améliorer la situation économique il faut favoriser le développement des marchés financiers, il suffit de comparer l’évolution du CAC 40 avec celles de quelques indicateurs économiques et sociaux comme l’emploi, le chômage et la précarité.
Rappelons que l’indice CAC 40 est passé de 1.000 en 1987 à 5.312 en 2017, après avoir atteint un sommet de 6.922 en septembre 2000.
Pendant ce temps, la part de l’industrie dans l’emploi total a chuté de 18 % en 1987 à 10 % en 2017. Autre indicateur important : sur la base de l’indice de 100 en 2010, la production industrielle est passée de 111 en 1990 à 105 en 2017. Sur la même période, dans l’industrie manufacturière la production est passée de 112 à 107. Ces chiffres attestent d’un recul de l’industrie en termes d’emploi et de production, avec des conséquences néfastes pour les salariés et les territoires. Ce recul va de pair avec la financiarisation de l’économie et la permanence d’un chômage massif et le développement de la précarité et des inégalités.
En effet, le nombre de demandeurs d’emploi selon la définition du Bureau international du travail (BIT) est passé de 2,1 millions en 1987 à 2,7 millions en 2017, le taux de chômage passant de 9 à 9,7 %, après avoir atteint 11 % en 1997.
Pendant ce temps, le taux d’emploi à temps partiel qui est un indicateur de la précarité de l’emploi est passé de 11,7 % en 1987 à 19,2 % en 2016, dernière année pour laquelle les données sont disponibles.
Enfin, le smic horaire était de 4,24 euros au 31/12/1987 et de 9,76 euros au 31/12/2017.
En l’espace de trente ans, les actionnaires du CAC 40 ont vu la valeur moyenne de leurs actions multipliée par cinq, alors que le smic n’a été multiplié que par deux.
En résumé, au cours des trente dernières années les actionnaires du CAC 40 se sont enrichis aux dépens des travailleurs.