Coordination Filpac-Cgt ADN
Capitaliser sur le démantèlement
14 mars 2019
La semaine dernière, lors de la deuxième intervention de Philippe Carli devant les salariés des DNA et de L’Alsace, c’est clairement le plan qui s’est dévoilé. Le retour à l’équilibre du groupe EBRA en 2020 se fera par le démantèlement des entreprises qui le compose, axant sur la poursuite de la mutualisation des moyens. En réalité seules nos belles marques comptent. Rappelons qu’à ce jour, nous sommes encore 3600 salariés dans le groupe, que 450 collègues sont partis et que deux imprimeries ont fermé depuis la mise en place du plan Carli.
Si les réponses aux questions des salariés étaient plutôt floues, voire anesthésiantes, lors de la présentation en assemblée générale du personnel, des certitudes quant au traitement social ont été apportées devant les élus de L’Alsace et des DNA, tout comme lors de la même présentation par Philippe Carli dans les autres titres du groupe. Bien qu’il ait fermement démenti aux DNA et à L’Alsace qu’après 2020 il n’y aurait plus que deux pôles (Nord avec L’ADN et L’Est/Répu Lorrain d’un côté et Sud avec Le Dauphiné, le Progrès et Bourgogne Rhône-Alpes) sur les quatre présentés, il a pourtant affirmé le contraire dans un des titres d’EBRA. La Filpac-CGT sera son adversaire si tel est son objectif non avoué. La coordination syndicale Filpac-CGT des titres EBRA permet plus que jamais de partager les informations et de se rendre compte qu’il est essentiel d’être unis pour peser dans les négociations.
Le bilan des 18 mois passés, dressé par Philippe Carli, fait état de 8 millions d’euros manquants dans les projections annoncées. Pour mémoire, le plan Carli prévoit 60 millions d’économies et 50 millions d’euros de développement pour un retour à l’équilibre des comptes à 2020.
« Je souhaite que le groupe existe en tant que tel, pas de manière juridique, mais quant aux synergies à mettre en œuvre», explique Philippe Carli, qui a dévoilé un projet d’organisation mutualisée présenté en quatre pôles opérationnels : ADN (L’Alsace – DNA), ERV (L’Est-Républicain – Le Républicain Lorrain – Vosges Matin), BJP (Bien-Public – Journal-de-Saône-et-Loire – Le Progrès) et LDL (le Dauphiné Libéré).
Concernant le pôle ADN, pour nos entreprises L’Alsace et les DNA, les services suivants seront communs aux deux titres : la direction (générale, financière et RH), [au passage, la CGT a donc acté le départ de Jacques Romann de L’Alsace], le service Ventes et diffusion, l’imprimerie et la structure « événementiel ». Les services finances, RH, moyens généraux et la rédaction resteront des services distincts pour chaque titre, tout en mutualisant certaines tâches. Pour la partie portage, elle reste confiée à L’Alsacienne de Portage et/ou Médiaportage. Pour Philippe Carli les tournées doivent être mieux organisées, sans forcément d’impact social, mais pour éviter les doublons de portage dans un même secteur. Quid du porteur en doublon s’il n’y a pas d’impact social ? La Filpac-CGT demande à voir. A partir du mois d’avril, nos porteurs livreront Le Monde et une négociation est en cours avec Le Figaro pour porter également ce titre.
Annonce importante : la constitution d’une régie publicitaire ADN qui sera mise en place à partir du 1er septembre 2019. Pour Philippe Carli, le premier but de cette régie est de stopper la perte du chiffre d’affaires pub et de mettre en place une organisation commerciale pour vendre non seulement de la publicité, mais aussi du conseil en communication en renforçant le marketing opérationnel. Pour lui, la convention collective de la publicité qui sera appliquée n’est pas une punition et les salariés transférés dans cette structure « ne seront pas perdants globalement (…) mon engagement c’est “d’accompagner” les transferts car nous avons très envie que les bons restent, mais sept semaines de congés et 21 jours de RTT ce n’est plus possible », explique-t-il. En revanche, « les nouveaux embauchés ne doivent pas coûter plus cher que le marché». D’après les affirmations de Philippe Carli, tout n’est pas ficelé, des négociations seront enclenchées le mois prochain avec les partenaires sociaux. La Filpac-CGT dénonce fermement ce procédé, car derrière son discours, le président du groupe EBRA impose uniquement des négociations sur les conséquences sociales de ses choix, or la Filpac-CGT veut négocier le fond du projet.
Les salariés et leurs représentants n’ont pas été associés, ils ne font que subir. Exit la démocratie sociale ! La Filpac-CGT se battra avec les salariés pour permettre aux équipes commerciales de conserver leurs acquis, car aucun cadeau ne sera fait. Parallèlement, de réelles conditions doivent être mises en place pour permettre aux commerciaux d’atteindre leurs objectifs malgré les difficultés du marché. Sur ce point, Philippe Carli a marqué l’ambition du projet destiné à se doter « d’outils et de compétences permettant de libérer les commerciaux de certaines tâches pour qu’ils soient sur le terrain ». La Filpac-CGT, avec le conseil de ses avocats, veillera à obtenir des garanties avant toute intégration de salarié vers cette régie ainsi qu’au respect des engagements quant aux moyens mis en place pour assurer la pérennité de leur métier et les objectifs des commerciaux.
Dernier pavé, et pas le moindre, sur l’organigramme présenté par Philippe Carli : les expertises et compétences partagées. Sur le modèle de fonctionnement du bureau d’information générale à Paris, les services suivants seront mutualisés pour tout le groupe EBRA : la production et la création graphique (prépresse ainsi que le studio graphique pour les titres qui en possèdent), le trafic web et l’ordonnancement print, le service relation clients et le service SVP (informatique). Sur les 500 salariés concernés, entre 150 et 200 devront quitter le groupe « avec un accompagnement social adapté », les autres subiront le «mécano-mercato» dixit Philippe Carli. Il s’agira de « regarder l’organisation possible avec les outils disponibles, quels seront les postes à pourvoir et de les aborder grâce à la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (…) le reclassement pouvant s’effectuer sur tout le périmètre du groupe [de Thionville à Avignon, de Strasbourg à la Haute-Loire, ndrl] ». Pour Philippe Carli, l’idéal serait de regrouper chacun des services mutualisés en un seul endroit géographique (pas forcément le même pour tous les services), mais « différents scénarios sont possibles, rien ne serait encore figé » tente de rassurer Philippe Carli face aux inquiétudes des salariés et aux questions des élus Filpac-CGT. Ne soyons pas dupes. Le but est de récupérer les huit millions manquants sur les projections pour 2020, et le fait de garder une structure en interne au groupe pour chacun des services mutualisés servira de levier si les résultats économiques ne sont pas dans les prévisions par la suite.
Si Philippe Carli affirme qu’il n’a pas de mandat du Crédit Mutuel pour vendre EBRA après 2020, il explique « plus on ira dans le sens de montrer qu’on est capable de rationaliser, mieux ce sera (…) je suis confiant si on est responsable et qu’on fait ce qui est prévu ».
La Filpac-CGT rappelle que son mandat est de défendre les droits des salariés et que le redressement du groupe ne peut pas se faire uniquement par le biais d’économies sur la masse salariale. Ce système a ses limites et nous y sommes. Les retours sur les nouveaux relais de croissance et la valorisation de l’ère numérique promis dans le plan Carli doivent maintenant faire leurs preuves de manière visible dans nos comptes d’exploitation. La Filpac-CGT sera force de propositions, comme elle a déjà su le faire, pour présenter à la direction d’EBRA des organisations de travail qui permettront de mutualiser intelligemment les charges de travail entre services, accompagnées de formations adéquates, tout en préservant l’emploi pour chacun des salariés.
La force du groupe EBRA se fera sur la qualité de ses produits et des équipes dédiées. Si Philippe Carli souhaite la confiance et le respect envers son projet, cela doit être à double sens. Vu l’ampleur de la restructuration de nos entreprises, la coordination Filpac-CGT ADN utilisera tous les moyens en sa possession pour imposer des négociations de fond sur les choix stratégiques imposés.
Le 14 mars 2019