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Être Charlie, c’est résister

7 janvier 2025

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• Montreuil, le 7 janvier 2025



Ils sont là, la main sur le cœur, pour rendre hommage à Charlie Hebdo, dont une bonne partie de la rédaction a été sauvagement assassinée il y a déjà dix ans. Médias, politiques, citoyens, la grande majorité se revendique encore Charlie. C’est de bon ton, et ça ne mange pas de pain. Mais comment célébrer la liberté d’expression et le droit au blasphème alors que cette même liberté se réduit dans une indifférence quasi générale ? Au-delà des larmes et des gorges serrées du jour, informer aujourd’hui en France, comme ailleurs dans le monde, devient terriblement compliqué.
N’ayons pas peur du constat et profitons de ces hommages pour rappeler que sans une presse libre, la démocratie vacille. Sans médias indépendants, capables de rémunérer à leur juste valeur les journalistes, les citoyens seront mal informés. N’oublions jamais que sans information, la propagande prend le relais, avec son flot de mensonges et de manipulations. Restons lucides :
cette triste réalité ne sert que les intérêts des puissants et de l’extrême droite, unis pour mieux nous endormir.
La liberté de la presse et la liberté d’expression ont besoin de pluralisme et de cadres légaux pour les protéger. Sans ces éléments essentiels, les citoyens se détournent de l’information, le cercle vicieux s’enclenche, et c’est la démocratie qui en souffre la première.

Milliardaires partout, médias nulle part
Le pluralisme, parlons-en. La concentration des médias devient de plus en plus inquiétante. Vincent Bolloré contrôle des journaux, des radios, des chaînes de télévision, mais aussi des sociétés de production de films, des maisons d’édition, etc. Rodolphe Saadé suit le même chemin, possédant La Provence, La Tribune du Dimanche, le groupe RMC avec ses radios et ses chaînes télévisées. Xavier Niel n’est pas en reste. Et n’oublions pas le monopole de la presse écrite régionale, dominée entre autres par le groupe EBRA, propriété du Crédit Mutuel, qui contrôle une grande partie de la presse quotidienne dans le nord-est de la France. Même le service public cède à cette tendance, fusionnant France Bleu et France 3 sous la bannière « Ici », avec des résultats parfois absurdes, comme à Châteauroux où les stations se nomment désormais « Ici Berry ».

Sous prétexte d’efficacité et de mutualisation – ces balivernes pour lecteurs de tableurs Excel – l’information en région est sacrifiée.
Ces concentrations médiatiques poursuivent plusieurs objectifs. Pour le service public, il s’agit d’appauvrir l’offre pour mieux justifier, ensuite, qu’elle ne mérite plus d’être financée. L’indépendance a un coût que l’État ne veut plus payer. Cette stratégie, déjà appliquée aux hôpitaux et aux écoles, s’étend désormais à l’information. Quant aux milliardaires qui s’emparent des médias, leurs motivations sont limpides et effrayantes : imposer leur idéologie libérale et réactionnaire.

Hommage par la censure
Bolloré agit avec brutalité. Il s’impose à ses équipes, décide souvent des sujets à la une de ses journaux et alimente des heures de débats sur CNews et Europe 1. Peu importe la véracité des faits, l’essentiel est de convertir les téléspectateurs à sa vision du monde. Rodolphe Saadé, plus subtil, n’en est pas moins interventionniste. Dernier exemple en date :

son refus de publier une caricature en une pour rendre hommage à Charlie Hebdo. Voilà la liberté d’expression selon les milliardaires : une information lisse, complaisante et vide de sens. Ceux-là ne seront jamais Charlie.

Ces milliardaires contrôlent les médias, mais aussi les écoles qui forment les journalistes. Ils façonnent une génération de scribes serviles, incapables de voir la forêt derrière l’arbre. L’ESJ Paris, la plus ancienne école de journalisme en France – non reconnue par la profession – a récemment été rachetée par Bernard Arnault, Rodolphe Saadé, Vincent Bolloré, et d’autres figures du grand patronat comme Pierre Gataz. Leur objectif : spécialiser cette école dans le journalisme économique. En 2018, l’Institut libre de journalisme, soutenu par Bolloré et Pierre-Édouard Stérin, ouvrait ses portes. Nombre de ses étudiants, proches du RN ou de Zemmour, effectuent leurs stages dans des médias affiliés à leurs bienfaiteurs. La boucle est presque bouclée.

Les journalistes muselés
Mais les politiques complètent ce sombre tableau. En ne faisant rien pour freiner ce phénomène, voire en l’encourageant. Les lois sur le secret des affaires, les atteintes aux sources journalistiques, les gardes à vue et perquisitions chez les journalistes, ainsi que la multiplication des procédures bâillons illustrent une volonté de museler l’information. Dans l’indifférence générale, cette offensive contre la liberté de la presse progresse, et c’est notre démocratie qui, encore une fois, en paie le prix.

L’information a besoin de vous
Se résigner ? Jamais. Il est urgent de soutenir les derniers bastions d’une presse vraiment indépendante. Lecteur, c’est entre vos mains que repose l’avenir de l’information. En rejetant les torchons dégoulinant de communiqués préfabriqués et de fadaises serviles, vous choisissez de ne plus être un mouton. Faites mieux : achetez, abonnez-vous, soutenez les médias qui osent encore se battre pour vous informer, sans compromis. Ne vous laissez pas dépouiller de votre droit à une presse libre et indépendante.

C’est votre arme pour aiguiser votre esprit critique, pour refuser la propagande et les mensonges. Être Charlie, c’est plus qu’un slogan : c’est un acte de résistance. C’est défendre le droit de choisir, de rire, de penser… et de vivre pleinement, en toute liberté. Une liberté que les balles n’ont pas réussi à faire taire. Les billets des milliardaires n’y arriveront pas non plus !