CGT Librairies - SGLCE

La précarité et les bas salaires mettent aussi en danger le livre

10 novembre 2020

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Alors que la fermeture des petites librairies fait beaucoup parler et génère inquiétudes et incompréhension, témoignages de soutiens et déclaration d’amour à l’édition et aux livres, les salariés de ces deux branches professionnelles tiennent à alerter sur la réalité des coulisses de ces deux secteurs d’activité.

Face à une épidémie à nouveau hors de contrôle, notamment en raison des incuries du gouvernement en matière de gestion sanitaire, après la casse de l’hôpital public et une stratégie de prévention et de contrôle tardive et peu ambitieuse, la France est à nouveau confinée. Aux angoisses liées aux risques sanitaires s’ajoute la peur de lendemains qui s’annoncent difficiles avec la crise économique qui s’installe et l’opportunisme cynique d’employeurs qui n’ont aucun scrupule à prendre prétexte de l’épidémie pour attaquer les droits des salariés et multiplier les licenciements.

Comme d’autres secteurs d’activité, celui du livre est durement frappé par cette crise. D’un bout à l’autre, les nombreux acteurs de la chaîne du livre ont été malmenés : des auteurs aux libraires, en passant par les correcteurs, les maquettistes, les assistants d’édition, les ouvriers des imprimeries de labeur, etc.

Dans l’édition, paiement à la tâche et ubérisation

Dans les maisons d’édition, le report et la suppression de publications – parfois de manière tout à fait opportuniste – ont considérablement réduit la charge de travail. Dans cette branche professionnelle où le travail payé à la tâche est très présent (correcteurs, maquettistes, typographes, etc.), ces décisions ont eu pour conséquence directe l’effondrement des revenus de centaines de travailleurs. D’autant qu’il a fallu batailler dur pour exiger que ces salariés précaires et travaillant à domicile, souvent exclus des mesures prises pour celles et ceux travaillant sur site et avec des revenus mensualisés, puissent intégrer les dispositifs de chômage partiel. Quant aux auto-entrepreneurs (faux indépendants et vrais précaires), la situation était la même et, sans le fonds de solidarité, ils auraient multiplié les mois blancs.

Dans la librairie, le Code du travail aux abonnés absents

Dans les librairies, une branche professionnelle composée très majoritairement d’entreprises de moins de 11 salariés, la plupart de nos collègues se trouvent dépourvus de représentants du personnel et d’organisations syndicales. Le constat social est en conséquence : les salariés peinent à faire respecter l’accord de classification pour obtenir un statut correspondant à leurs tâches.

70 % des salariés de la librairie se trouvent parmi les quatre premiers niveaux d’une grille de salaires qui en compte douze. La différence entre le salaire minimum du niveau 1 et celui du niveau 4 est, à ce jour, de 18 euros brut, la hausse du SMIC au 1er janvier ayant placé les niveaux 1 et 2 au même degré de rémunération. La dernière proposition patronale lors des négociations salariales de cette année est de porter cet écart à 42 euros brut…

Les témoignages que recueille le collectif CGT-Librairies sur les conditions de travail  sont préoccupants : salariés en apprentissage chargés de gérer seuls un établissement, situations de harcélèment moral et sexuel, non-respect des règles élémentaires du Code du travail (le paiement des heures supplémentaires, par exemple), ouvertures illégales le dimanche et la nuit.

Le premier confinement a vu des salariés, placés en chômage partiel, contraints de travailler à l’animation des réseaux sociaux ou à la préparation de commandes en boutique.

Les déclarations d’amour ne nourrissent pas les salariés

Depuis plusieurs jours, la fermeture des librairies imposée par le gouvernement dans le cadre du confinement fait beaucoup parler. Les témoignages de soutien aux libraires et les déclarations d’amour aux livres se multiplient sur les réseaux sociaux et dans les médias. C’est toujours une bonne nouvelle de voir des gens défendre les livres et la place centrale qu’ils occupent dans une vie démocratique saine, mais il ne faudrait pas pour autant oublier les salariés : celles et ceux qui les écrivent, les fabriquent, les impriment, les diffusent, les distribuent et les vendent. Les livres, aussi précieux soient-ils, ne sauraient exiger que l’on expose des salariés au virus, sans aucun protocole sanitaire.

Au-delà des questions sanitaires, il y a aussi les questions sociales. Les coulisses de l’univers du livre ne sont pas belles à visiter : contrats de travail précaires, « ubérisation » de certains métiers avec l’auto-entrepreneuriat, paiement à la tâche, salaires ridicules, management paternaliste et culpabilisateur sont le lot de la plupart de celles et ceux qui travaillent dans le livre. Des luttes sociales secouent régulièrement les différents secteurs de cette industrie, souvent dans un silence médiatique assourdissant et avec peu de soutiens extérieurs. Pourtant, ce qui met réellement en danger le livre aujourd’hui, c’est moins quatre semaines de fermeture de librairies que des conditions de travail et de rémunération qui ne cessent de se dégrader depuis des décennies.

La période qui s’ouvre va être déterminante pour le livre. Le Syndicat général du Livre et de la communication écrite CGT et la CGT-Librairies veilleront à ce que la crise ne serve pas de nouveau prétexte aux employeurs pour remettre en cause les droits et les acquis collectifs, pour réduire les effectifs ou baisser les salaires, pour précariser toujours plus les relations de travail. La crise sanitaire a montré combien les secteurs de l’édition et de la librairie étaient gangrénés par cette précarité que nous dénonçons depuis longtemps et contre laquelle nous nous battons. Il est plus qu’urgent qu’en la matière les choses changent et nos organisations syndicales continueront de s’y employer.

Paris, le 9 novembre 2020 

Contacts presse

ÉDITION                      LIBRAIRIE

Guillaume Goutte       Rémy Frey

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