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LETTRE FÉDÉRALE N° 26
Une crise sanitaire reflet d’une guerre sociale mondiale

30 mars 2020

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Voilà maintenant une semaine que les mesures de confinement sont appliquées sans que leur portée contre la pandémie du Covid 19 ne soit encore visible.

La crise sanitaire majeure que nous vivons symbolise l’incapacité des gouvernants à y faire face, tant leur raisonnement est conditionné par leur doctrine ultralibérale du monde.

Oui, rien ne sera plus comme avant, mais le sens de la sortie de cette crise qui va en entraîner une autre, dépendra de la mobilisation des travailleurs et des citoyens, et de leur capacité à imposer un autre choix de société et de civilisation que celui qui nous a conduits à cette catastrophe humanitaire.

Il ne s’agit que d’un énième avertissement, dont l’importance ne cesse d’augmenter à mesure que notre monde sombre dans le tourbillon libéral planétaire.

I – Une pandémie évitable

Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santé, tente en vain de se dédouaner de sa responsabilité pour ne pas être associée à celle du gouvernement Philippe dans cette crise qui a déjà fait plusieurs centaines de victimes dans notre pays, et infecté des dizaines de milliers de personnes.

Il est exact que dès le début de la crise en Chine, des spécialistes du monde entier alertaient des risques d’une pandémie planétaire, alors que les gouvernements étaient concentrés sur leur politique libérale de fuite en avant.

En France, il s’est agi de faire passer coûte que coûte le projet de destruction de notre système de protection sociale, par la fin de notre régime de retraite solidaire. Dans le même temps, le budget de la sécurité sociale, en particulier celui dédié à notre système de santé, était une fois de plus raboté sévèrement au profit de celui des armées et de la police.

La propagation du virus est proportionnelle à la dégradation du tissu industriel productif et à celle de nos services hospitaliers, par la fermeture de milliers de lits et d’hôpitaux de proximité.

Les masques, les tests, les médicaments antiviraux, les appareils respiratoires ne sont plus produits sur notre territoire. La dernière entreprise de fabrication de bouteilles d’oxygène pour les hôpitaux, Luxfer, unique en Europe et située en France, est menacée de fermeture sans que le gouvernement Philippe, dans une telle période ne la nationalise, ni impose à l’actionnaire le maintien de l’activité.

Le stock du milliard de masques constitué en 2010 après la dernière épidémie, jugé trop coûteux par la Cour des comptes, par la ministre de la Santé de l’époque, Marissol Touraine, et par le conseiller spécial à l’Économie de François Hollande, un certain Emmanuel Macron, n’a jamais été renouvelé, tout comme les moyens de la recherche antivirale.

Ce qui ne rapporte pas à certains « amis » doit disparaître, tel est encore le dogme des gouvernants actuels.

Le confinement est la solution la moins bien adaptée pour lutter contre cette épidémie. C’est un danger pour la démocratie car souvent il s’accompagne d’un état d’urgence donnant les pleins pouvoirs à ceux qui nous ont menés à cette catastrophe humaine.

D’autres nations, comme la Corée du Sud, le Japon, voire l’Allemagne, tirant les enseignements des précédentes crises sanitaires (H1N1, SRAS) ont privilégié une protection active et préventive par la constitution de stocks de masques, de gants, de tests, évitant ainsi une mortalité que nous connaissons en Europe en particulier en Italie, Espagne et France.

Le gouvernement se mure dans un autoritarisme à la hauteur de sa surdité, niant l’existence de la pandémie par la sortie irresponsable de son ministre de la « Santé » malgré les cris d’alerte du corps médical, les centaines de morts, voir les milliers comme dans les Ehpad qui estiment le risque de 100 000 morts si le pouvoir ne réagit pas plus vite pour fournir au personnel les protections nécessaires, et les éléments de première urgence pour les malades.

L’essentiel pour ces dirigeants d’État est de continuer de produire afin que même dans les pires conditions pour les travailleurs, le profit puisse toujours couler à flots dans les poches des actionnaires.

II – Un coup d’État antisocial

Les annonces peuvent paraître contradictoires entre un renforcement du confinement martelé par le Premier ministre et les propos de Bruno Lemaire et de Muriel Pénicaud, sur le fait que tout le monde doit aller au boulot et qu’aucune entreprise ne doit se mettre en chômage partiel.

Il n’y a rien de contradictoire, les seules injonctions qui comptent sont celles qui servent les intérêts des amis de Geoffroy Roux de Bézieux. Peu importe la santé des travailleurs et de leur famille, l’essentiel c’est de continuer à produire et à faire du commerce. Leur profit avant nos vies et notre santé, telle est la devise de Macron et de ses amis milliardaires.

Dans nos secteurs industriels, comme dans les autres, les droits légitimes de retrait exercés par les salariés et leurs syndicats sont systématiquement refusés. Dans nombre de cartonneries, d’imprimeries, de papeteries, les conditions de sécurité et de protection des travailleurs ne sont toujours pas mises en place.

Ni masques, ni gants, ni désinfection des pupitres ainsi que des commandes numériques et manuelles, ni gel hydroalcoolique ne sont disponibles, favorisant la propagation de l’épidémie et la mise en danger de la vie de celles et ceux qui y travaillent quotidiennement.

Le gouvernement et le patronat profitent de l’état d’urgence pour imposer des règles dérogeant au droit du travail, comme obliger les salariés à poser leurs congés payés, les RTT, durant les périodes de chômage partiel.

Il abuse des pleins pouvoirs qu’il s’est octroyés pour permettre aux employeurs de se soustraire à la durée légale du travail (hebdomadaire et quotidienne) en fonction de leur bon désir, jusqu’à 60 heures par semaine, et la fin du repos dominical ! Et pour couronner cette régression sociale digne des maîtres de forges du XIXe siècle, il prolonge ces dérogations jusqu’en décembre 2020, dans un premier temps !!

Dans la même veine, les CSE dont les droits étaient réduits au minimum se voient imposer des délais de consultation et d’information encore plus brefs, et la mise en place de la visioconférence comme mode de réunion normalisé.

L’union sacrée appelée par Macron, relayée par le patronat et certains syndicats, est de même nature que celle de Raymond Poincaré en 1914 pour envoyer les travailleurs dans la plus grande boucherie qu’ait connue notre humanité.

Au nom du dialogue social, jargon de la compromission, les conquis sociaux doivent s’effacer le temps de la crise sanitaire pour disparaître complètement lors de la crise économique majeure qui se profile dans les prochaines semaines, voire les prochains mois.

III – D’une crise à l’autre

Il ne faut pas être dupe, les mesures du gouvernement sont prises à l’aune d’une crise économique planétaire majeure aux effets dévastateurs.

Annoncée bien avant le Covid 19 par l’OCDE et diverses officines internationales, la crise qui prend forme sous nos yeux est celle d’une mondialisation à bout de souffle qui n’a jamais tiré les enseignements de celle de 2008 mais qui au contraire s’est précipitée dans la fuite en avant de l’ultralibéralisme.

Les banques centrales tentent de racheter les dettes privées des entreprises et des emprunts toxiques des banques par milliers de milliards, pour éviter la déflagration mondiale.

2000 milliards pour le gouvernement américain, 500 milliards pour l’Allemagne, 350 milliards pour la Grande-Bretagne, 300 milliards pour la France, mais la bulle spéculative et le ralentissement économique lié au Covid 19 sont si importants que leurs efforts risquent d’être vains, tant les gouvernants du G 20 ont favorisé ce système d’ultra-libéralisation de l’économie et de l’argent facile.

La guerre que mènent Macron et son gouvernement n’est pas contre le virus. Les manques de matériel médical en témoignent. Non, il s’agit de fourbir les armes d’une guerre économique qui n’a qu’un but, celui de conserver les marges des plus grosses entreprises et les milliards amassés par les plus grosses fortunes.

Rien n’est mis en place contre les restructurations en cours, ni contre les liquidations. Rien n’est mis en place pour les trésoreries des artisans et des TPE, pour les sous-traitants des grands groupes dont les factures ne sont pas réglées.

Les mesures antisociales sont les premières d’un état d’urgence injustifié qui prive de toute expression démocratique, qui spolie le Parlement si godillot soit-il, qui tente d’asphyxier toute capacité de résistance sociale.

L’ère de Macron est celle des autoritarismes. Passant en force ses contre-réformes, faisant preuve de violence extrême contre les mouvements sociaux, méprisant les institutions et les « corps intermédiaires », Jupiter se mue en chef de guerre, se donnant les pleins pouvoirs pour mener sa guerre de classe.

IV – Organiser la résistance sociale et construire l’alternative

Dans certaines de nos professions (industries papetières, cartonnage et labeur), au nom de l’effort de guerre contre le virus, le patronat a tenté – comme il l’a fait au niveau interprofessionnel – de nous faire avaler des textes validant le sacro-saint sacrifice du maintien des productions, au nom de l’intérêt supérieur de la Nation.

En quoi le maintien de l’activité de packaging des produits de Luxe de LVMH est-il vital pour le pays ?

En quoi, le maintien des services commerciaux dans les industries est-il indispensable à la santé des citoyens ?

En quoi les produits de loisirs, d’électroménager, de confort individuel sont-ils indispensables au point que les salariés d’Amazon y risquent leur santé quotidiennement ?

Combien de morts parmi nos proches, combien de morts chez les travailleurs, faudra-t-il dans ce pays, pour qu’y cesse toute activité non indispensable à la santé et à la sécurité alimentaire de tous ?

Combien de bataillons de travailleurs devront partir au front la boule au ventre, la peur de rapporter chez eux le virus mortel sous prétexte de produire les biens de consommation de masse ?

Notre fédération lance un appel, rejoignant en cela celui de différents syndicats en Europe, pour voir arrêter toutes les activités non essentielles à la sécurité sanitaire, alimentaire et à l’expression démocratique des citoyens et des travailleurs, pour raison de confinement.

Elle réclame la fin de l’état d’urgence et le passage en crise sanitaire nationale remettant les institutions au cœur du processus de décisions démocratiques.

Pour les activités nécessaires et indispensables, toutes les mesures de prévention et de précaution sanitaires doivent être rendues obligatoires (port de gants, de masques avec changement toutes les trois heures, usage de gel hydroalcoolique, distance entre deux salariés d’1,50 m au minimum) avec un contrôle systématique des inspecteurs et contrôleurs du travail et le rétablissement des CHS-CT et de toutes leurs prérogatives.

Elle exige le rétablissement immédiat de la durée du travail à 35 heures, le maintien à 100 % des rémunérations pour les salariés et travailleurs mis en chômage partiel, assuré par un fonds de garantie des grands groupes d’assurances privés, l’indemnisation de tous les privés d’emplois à hauteur du Smic, l’indexation des pensions au même niveau.

Un plan d’urgence doit permettre d’investir plusieurs dizaines de milliards pour les Ehpad et les hôpitaux, leur permettant de faire face à la crise sanitaire actuelle mais surtout d’apporter des solutions pérennes aux défis médicaux du XXIsiècle et un système de soins de qualité.

Nos vies et notre santé valent plus que leur profit !