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LETTRE FÉDÉRALE N° 29
Le passé a de l’avenir…

19 mai 2020

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Le passé a de l’avenir…

Si on vous parle d’une usine vertueuse qui produit en continu du papier journal à partir du recyclage de vieux papiers, issus de la collecte des bassins voisins d’Ile-de-France et du Nord, employant un personnel hautement qualifié, plus de 40 métiers, 218 personnes directement, en contrat avec plus de 200 collectivités locales, au moins 600 entreprises extérieures ces deux dernières années, dont plus de 50 sous contrat ; qui possède sa chaudière à biomasse (alimentée essentiellement en bois de déconstruction, boues de désencrage et déchets plastiques, et produit de l’électricité verte) ainsi qu’une station d’épuration qui pompe l’eau de la Seine et la rejette plus claire qu’à son entrée…

Si on vous dit que son propriétaire veut liquider purement et simplement ce fleuron de l’industrie papetière et s’acharne à casser toute velléité de rachat dans le seul but de créer artificiellement une pénurie pour faire monter les prix du papier… vous croyez à une mauvaise blague, à une fake news, à une exagération de la CGT toujours prête à monter des conflits ?

Et pourtant c’est bien le groupe finlandais UPM qui est en train de liquider l’usine de Chapelle Darblay, cependant que nous interpellons vainement les ministères de l’Économie, de l’Écologie, de la Culture, et les éditeurs pour proposer des solutions de reprise et imposer sa vente, sans jamais obtenir de réponse de quiconque.

À l’heure de la prise de conscience de la nécessité d’un tournant écologique radical, où le gouvernement même prône la relocalisation de productions essentielles pour notre survie et la fin du plastique au profit du carton, notre industrie papetière revêt une importance capitale et sa technologie lui permet de répondre à l’urgence.

Nos usines françaises peuvent produire massivement dès à présent, masques, emballages médicaux, papiers d’hygiène, emballages agroalimentaires, mais aussi papiers sécurisés etc.

Or, ce n’est pas seulement Chapelle Darblay qui est menacée par ses actionnaires, mais toute la filière papetière aux mains de groupes aux ramifications internationales, entre autres les usines ArjoWiggins de Bessé-sur-Braye, ArjoWiggins Security de Jouy-en-Morin, pour lesquelles il existe des projets de reprise innovants, jamais pris en compte par les décideurs.

N’aurons-nous rien appris de la pandémie ? Demain va-t-il ressembler vraiment à hier, sans espoir de changement, jusqu’à la catastrophe irrémédiable ?

La CGT lance un cri d’alarme. Les procédures en cours arrivent à échéance et au-delà des milliers d’emplois en jeu, la crise sanitaire et sociale que nous vivons démontre l’importance vitale de préserver et développer cette activité.

Chapelle Darblay produit du papier recyclé pour nos journaux. Nous alertons aussi sur le grave danger que connaît aujourd’hui la presse écrite, à laquelle on oppose hypothétiquement le numérique, pourtant première industrie polluante. Cette augmentation trafiquée du prix du papier menace le pluralisme de l’information, son accès au plus grand nombre, et sa survie même, à commencer par les titres les plus fragiles.

Raison de plus pour ne pas passer sous silence le dossier que nous vous

confions, tant que vous avez encore les moyens de remplir cette belle mission d’informer.



Patrons ni responsables, ni coupables

En cette période où le gouvernement multiplie légitimement les appels à l’observation stricte des mesures de sécurité destinées à protéger nos vies, ce qui vaut pour le simple citoyen ne concernerait-il pas le citoyen employeur ?

Un grand nombre de personnes sont exposées, sur leur lieu de travail, au risque de contracter la Covid-19, dans des conditions scandaleuses, le plus souvent méconnues de l’opinion.

Jusqu’à présent, ce n’est pas sur la prévention maximale des risques qu’on mise, mais sur celle dite « tertiaire » : il faut faire constater le manquement au protocole de sécurité pour pouvoir déclencher auprès de la Dirrecte ou des tribunaux, la procédure qui permettra hypothétiquement d’y remédier.

Aujourd’hui, comme on le sait, la vitesse de propagation du virus et l’engorgement des administrations, tribunaux etc. ne laissent guère le temps de se lancer dans des formalités administratives à rallonge, mais commandent au gouvernement, en préalable urgent, de faire respecter par les employeurs les consignes de sécurité prévues par la loi, et de veiller à une protection renforcée des représentants du personnel, en première ligne pour constater les risques dans leur entreprise et donc doublement exposés.Par ailleurs, sait-on que la contamination à la Covid-19 en raison de tels manquements, n’est toujours pas reconnue comme maladie professionnelle ? Que le droit de rétractation et le droit d’alerte en cas de danger grave et imminent sont souvent ignorés, et l’indépendance de l’inspection du travail, bafouée… En témoignent les récentes sanctions d’inspecteurs qui tentaient d’imposer les mesures prévues par le Code du travail…

La CGT a remporté une victoire le 7 mai dernier avec le maintien de la fermeture de l’usine Renault de Sandouville, « le temps de la mise en place effective de chacune des mesures précitées, cette reprise ne permettant pas d’assurer la santé et la sécurité des travailleurs de l’usine face au risque lié au Covid-19 », conclut le jugement du tribunal judiciaire du Havre.

Victoire éclatante, certes, mais hélas pas décisive, en tout cas pas pour le gouvernement français.

Car c’est le moment que choisirait la ministre du Travail Muriel Pénicaud pour tenter de faire transposer chez nous une directive-cadre européenne de 1989, permettant « l’exclusion ou la diminution de la responsabilité des employeurs pour des faits dus à des circonstances qui sont étrangères à ces derniers, anormales et imprévisibles, ou à des événements exceptionnels, dont les conséquences n’auraient pu être évitées malgré toute la diligence déployée»

Ce n’est pas la CGT qui a dit : « Un gouvernement, c’est comme un bébé. Un tube digestif avec un gros appétit à un bout et aucun sens des responsabilités à l’autre », mais Ronald Reagan, un expert en la matière. De ce côté-là, au moins, rien n’a changé. Simplement, il y a des périodes où l’irresponsabilité tue plus vite. Et quand en plus elle est légale…