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LETTRE OUVERTE au Ministre de la Culture Monsieur Franck RIESTER

27 février 2019

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LETTRE OUVERTE

au Ministre de la Culture
Monsieur Franck RIESTER

                                                                                     182 rue Saint-Honoré
75001 PARIS

N/Réf. : DL/SC

                                                                                     Paris, le 22 février 2019

 

Monsieur le Ministre,

Le 31 janvier 2019, vous avez rencontré une délégation du Syndicat général du Livre et de la Communication écrite. Cet échange concernait la distribution de la presse et l’avenir de la loi Bichet.

Il nous semble néanmoins important de rappeler que la volonté de notre organisation syndicale est le maintien de cette loi issue des principes du Conseil national de la Résistance. Celle-ci a fait la démonstration de son efficacité à distribuer sur tout le territoire des quotidiens et des publications indépendamment des idées développées, de la capacité financière ou du tirage d’exemplaires des titres.

Le système coopératif permet au pluralisme d’exister et de continuer à se développer et donc, à la démocratie de jouer tout son rôle dans notre pays.

C’est pourquoi, lors de notre entrevue, nous avons insisté pour que le système coopératif actuel de distribution de la presse soit l’unique dispositif lorsque les éditeurs optent pour une distribution groupée de leur titre.

Vous semblez y adhérer et nous nous félicitons de cette position.

En revanche, vous avez évoqué quelques interrogations. Nous souhaitons vous y répondre, conformément à l’engagement que nous avons pris à l’issue de notre rendez-vous.

1/ Vous avez évoqué la défaillance du système de régulation actuel (CSMP et ARDP) et envisagé de modifier la régulation en vous portant sur l’Arcep.

Nous considérons que les outils actuels permettent à la régulation de jouer tout son rôle à condition que les barèmes votés en Assemblée générale de coopérative s’imposent et qu’il ne soit pas possible de contourner ces règles par des artifices qui reviendraient à obtenir des remises commerciales pour les éditeurs les plus prospères. Notons que ces derniers usent de leur capacité à faire jouer la concurrence entre les deux messageries, Presstalis et MLP, pour arriver à leurs fins.

Au-delà du choix de l’organisme de régulation, nous considérons que l’important est que ce régulateur ait les moyens de contrôler les pratiques et dispose d’un pouvoir de sanction lorsqu’il constate des actions qui vont à l’encontre de la loi. Nombre de dénonciations de pratiques non conformes sont restées à l’état de simple constat et de rappel à l’ordre.

2/ Au sujet de cette loi, vous avez évoqué que vous ne souhaitiez pas l’abroger mais la modifier.

Nous sommes particulièrement attentifs à cette question. Il ne faudrait pas, lorsque nous parlons du maintien de cette loi, laisser la possibilité de la contourner. Le dispositif permet à chaque éditeur de compter pour un dans la coopérative, qu’il soit petit ou gros éditeur. C’est un des objectifs de la loi Bichet.

Par ailleurs, nous considérons l’absolue nécessité de maintenir en l’état l’article 4 qui oblige les coopératives à détenir au moins 51 % des parts dans une société commerciale. En effet, cela permet aux coopératives de s’assurer du traitement égalitaire au sein de la messagerie. Sans cet article, le risque serait de voir les éditeurs aux plus gros chiffres d’affaire obtenir des rabais ou un meilleur traitement par un opérateur non contrôlé par les coopératives. Pire, un éditeur pourrait même devenir cet opérateur comme l’était Hachette avant-guerre, avec toutes les conséquences que ce trust entraînerait.

C’est la garantie pour le secteur qui souffre d’une baisse récurrente des ventes de maintenir un niveau de prestations à la hauteur de l’enjeu démocratique.

3/ Vous avez évoqué la situation des diffuseurs de presse.

Les précisions que vous nous avez exposées donnant une plus grande latitude aux éditeurs sur le choix des volumes et non sur la référence des titres ne nous semble pas choquantes. Cette question demanderait plus de précisions, d’autant que des dispositifs existent déjà, comme l’assortiment et le plafonnement.

Si les éditeurs ne freinaient pas leur mise en place, des progrès dans ce domaine auraient déjà été réalisés ; d’où la nécessité d’avoir un organe de régulation qui puisse imposer des décisions dans l’intérêt de la filière.

4/ Vous avez évoqué le bien-fondé que les messageries soient propriétaires de filiales pour le niveau 2.

Nous sommes totalement opposés à une situation qui conduirait à la vente des SAD. Cette opposition n’est pas nouvelle puisque fin 2017, nous avions déjà refusé cette option. Face au tribunal de commerce et aux exigences de réorganisation, nous avons négocié une sortie vers le haut pour éviter que la filière ne soit exposée au dépôt de bilan.

De nouveaux sacrifices au niveau des conditions de travail et des emplois dans les SAD ou au siège de l’entreprise ne peuvent conduire à scinder le groupe Presstalis.

Les salariés des SAD n’ont pas consenti à tous ces efforts pour s’entendre dire aujourd’hui qu’ils seront cédés aux plus offrants.

Il faut d’ailleurs rappeler que les dernières réorganisations pour réduire les coûts du système de distribution (réduction du nombre de dépôts, régionalisation des activités, etc.) n’ont pu être menées à bien que par la mise en œuvre par l’opérateur principal, Presstalis, présent aussi sur le N2. D’ailleurs, lorsqu’un dépositaire est défaillant et dépose le bilan, c’est Presstalis qui est amenée à prendre le relais pour assurer la continuité de la distribution dans cette région et il le fait via le concours de sa filiale N2.

Notre organisation syndicale est absolument opposée à l’idée d’un retrait des messageries du niveau 2.

5/ Vous nous avez expliqué ne pas avoir tranché concernant l’arrivée d’un troisième opérateur.

Cette troisième voie serait un véritable affaiblissement des opérateurs actuels et mettrait à mal les principes de la loi Bichet et notamment la remise en cause de l’article 4 que nous considérons comme intangible. D’autant que cet opérateur supplémentaire (Hopps a été évoqué), se mettrait en concurrence avec les deux messageries déjà présentes et affaiblirait la charge de travail à distribuer à chacun. Cette troisième voie n’est, de notre point de vue, pas envisageable. Elle permettrait à tort, dans une conjoncture de baisse des ventes, une concurrence encore plus féroce entre opérateurs et serait contreproductive pour l’avenir de la distribution de la presse, dans le cadre d’un système coopératif dont les coûts ne sont pas déjà totalement couverts par les prix pratiqués aujourd’hui.

Nous réitérons notre appel à la création d’un véritable pôle public de la distribution de la presse, dans l’intérêt de la démocratie, de la filière et de ses salariés et la mise en place d’une table ronde permettant aux directions, gouvernement et organisations syndicales de débattre de l’avenir de la distribution de la presse et du maintien de ses emplois.

Dans le cadre de notre concertation, nous souhaitons vivement, Monsieur le Ministre, que les arguments que nous avons évoqués soient pris en compte.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, notre haute considération.

 

Le secrétaire général

Didier LOURDEZ