CGT DS Smith St Just en Chaussée
L’importance des mots : Comment embellir le capitalisme !
12 mai 2020
A St Just le 12 mai 2020.
Les gouvernants et le patronat font un travail considérable sur les mots. Il y a des mots qui disparaissent et des mots qui apparaissent régulièrement. Les linguistes connaissent ça très bien. Nous pensons avec les mots, et pas le contraire. Ce n’est pas « je pense une réalité sociale et je fabrique des mots », c’est « il y a des mots et avec ces mots je peux penser une réalité sociale. » Évidement, quand on supprime des mots et qu’on en met d’autres à la place, on ne pense plus de la même manière cette réalité !
À la fin des années soixante, Herbert Marcuse, philosophe et sociologue marxiste américain, avait prévenu : « nous vivons dans le monde de la toute dernière critique efficace du capitalisme parce qu’il est en train de nous changer nos mots ! » Pour faire simple, on nous enlève des concepts qui permettent de penser négativement le capitalisme pour nous donner à la place des concepts opérationnels qui ne servent pas à penser mais simplement à agir et qui désignent ce capitalisme d’une façon strictement positive.
Prenons pour exemple le mot pauvre. Ce mot a pratiquement disparu aujourd’hui, ce qui pourrait être une bonne chose si cela signifiait qu’il n’y en ait plus ! Les travailleurs sociaux et les éducateurs de l’époque appelaient les pauvres des « exploité.es ». Et cela ne posait aucun problème de les désigner ainsi car on les pensait comme des « exploité.es ». Mais le mot exploité est terriblement gênant pour le pouvoir et le patronat car il ne désigne pas la personne comme un état mais comme le résultat d’un processus qui est l’exploitation. Lorsqu’on dit d’une personne qu’elle est « exploitée », tout de suite, vous cherchez qui « l’exploite ». Le pouvoir et le patronat ont vite compris qu’il serait plus judicieux de les appeler plutôt des « défavorisé.es ».
Ce qui est fabuleux, car c’est bien de la même personne dont on parle et qui est dans la même situation. Mais dans un cas, elle est exploitée par quelqu’un et dans l’autre, « elle n’a pas eu de bol », elle est seulement « défavorisée ». Dans ce cas, vous allez essayer de l’aider, de lui être utile… Dans l’autre cas, celui de la personne pauvre qui est exploitée, vous allez essayer de vous opposer à l’exploiteur ! D’où l’importance des mots ! La CGT DS Smith St Just vous donnera d’autres exemples sur l’importance des mots et sur la signification profonde de cette falsification linguistique par les représentants du capitalisme comme elle l’a déjà fait avec ce mot affreux qui est « collaborateur ».
La CGT DS Smith St Just.
Texte issu des conférences sociales de Franck LEPAGE.