Hommage
Quand on n’a que l’humour
7 janvier 2025
Dix ans déjà. Dix années à se demander s’il est vraiment possible de mourir pour avoir voulu faire rire. Dix ans à entendre les bien-pensants asséner qu’on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde. Et puis, caricaturer une religion, ce n’est pas bien. Ça peut blesser, faire mal, et en plus, ce n’est pas drôle. Mais dans la même phrase, ils ajoutent, comme pour se dédouaner : « Je suis Charlie ! » Une formule magique censée effacer l’absurdité de leurs propos. L’émotion est devenue un slogan, un outil pour mieux étouffer l’humour et l’information.
Ne pas comprendre le dessin de presse, et son histoire si particulière avec la France, c’est réécrire le passé. Oublier que le dessin de presse n’a qu’une fonction : caricaturer pour éveiller les consciences. En riant, en souriant, en se révoltant, en étant choqué, en restant vivant. Sauf qu’aujourd’hui, les étriqués du bulbe n’ont qu’un objectif : aseptiser les crayons pour un rire cosmétique. Un rire propre, lisse, inoffensif. Sur scène comme dans les pages des journaux, il ne faut surtout pas faire de vagues. La peur du tribunal populaire des réseaux sociaux tue l’humour aussi sûrement que les frères Kouachi. Mais un monde où le rire est contrôlé, disons-le franchement, c’est chiant.
Les fous de Dieu, eux, ne comprennent rien. Il leur en faut toujours plus. Ou plutôt, toujours moins. Moins de dessins, moins de blagues, moins de liberté, moins de cheveux qui dépassent, moins d’avortements, moins d’homos, moins de différences. Moins de vie, tout simplement. Ils invoquent le respect pour mieux nous faire taire. Combien de professeurs n’osent plus aborder les guerres de religion, quel qu’en soit le siècle ? Combien de dessinateurs de presse sont censurés pour avoir croqué un dieu ou un prophète avec le service trois pièces à l’air ? Aucune religion n’a le monopole de la bêtise.
Les dix ans de l’attentat contre Charlie Hebdo ne doivent pas être tristes. Le meilleur hommage, c’est de continuer à rire, à s’amuser les uns avec les autres. Bref, de s’éclater sans bombes et de se fendre la gueule sans lames de couteaux. Vous avez le choix des larmes.