Filpac CGT

Réglementation PPWR* : l’art du flou

22 mai 2025

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• Montreuil, le 22 mai 2025


Un règlement trop discret
Il faut commencer par le dire clairement : cette nouvelle réglementation, baptisée PPWR, reste largement méconnue dans nos syndicats et dans les comités d’entreprise européens. Les échanges que nous avons eus ces derniers jours le confirment : dans une majorité d’entreprises, les directions n’ont pas pris la peine d’en discuter avec les représentants du personnel. Et quand il y a eu des échanges, c’est bien souvent à l’initiative des syndicats. Les directions, elles, considèrent que ce sujet ne relève pas de notre champ d’action. C’est inacceptable. Nous ne pouvons pas être mis à l’écart de décisions qui vont fracasser l’organisation du travail et l’emploi.
À ce titre, nous devons saluer le travail d’UNI et d’IndustriALL, qui ont permis de rendre ce texte plus lisible, en le synthétisant à partir d’un document original de plus de 350 pages. Sans leur appui, difficile de s’y retrouver.
Cette réglementation européenne est nécessaire. Elle vise à limiter les dégâts environnementaux causés par les emballages, et c’est un enjeu vital pour la planète. Mais ses conséquences sur l’emploi, elles, restent floues. Les projections présentées jusqu’ici ne sont que des simulations. Rien de concret. Et c’est bien là le problème. Il est urgent que cette réglementation soit accompagnée de textes complémentaires, qui traitent clairement des conséquences sociales de cette transition. Car pour l’instant, seules les dérives apparaissent, dans lesquelles les multinationales s’engouffrent déjà pour préserver leurs marges, en contournant la réglementation, en délocalisant aux frontières de l’Europe, ou en sacrifiant des emplois sans motif valable.

« Les patrons s’apprêtent à compenser les contraintes environnementales par une casse sociale »
Le cas de Tetra Pak à Dijon est emblématique : le 20 janvier, le groupe annonce la fermeture du site, sans aucune justification économique. 300 suppressions de postes pour ne pas avoir à faire un investissement mineur. Résultat : la production des briques alimentaires «nouvelle génération», sans aluminium et donc plus facilement recyclables, sera délocalisée. Une absurdité écologique, industrielle, sociale.
Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Alors que la demande mondiale d’emballages continue d’augmenter, les fermetures d’usines se multiplient. Les patrons s’apprêtent à compenser les contraintes environnementales par une casse sociale à grande échelle. Ce n’est pas notre vision d’une transition juste, ni d’un avenir digne pour les travailleuses et travailleurs.
Il y a malgré tout quelques signaux positifs. Cette réglementation a provoqué un sursaut en matière de recherche et développement, après des années de coupes budgétaires. Des services renaissent dans plusieurs entreprises. En France, le Centre technique du papier, à Grenoble, en est un bon exemple : en à peine un an, il est passé d’une activité en déclin à une dynamique d’embauches et de dépôts de brevets.

« La transition écologique ne doit pas se faire sur le dos des travailleuses et des travailleurs »
Ce règlement impose des efforts : investissements, réduction des grammages, limitation ou suppression des emballages inutiles. Ces contraintes sont indispensables. Car sans elles, rien ne changerait, et l’environnement continuerait de payer le prix fort. Mais ces efforts doivent aussi bénéficier aux salariés, pas seulement aux actionnaires.
Et ce n’est pas fini : d’autres textes européens sont en préparation, eux aussi potentiellement destructeurs d’emplois dans notre secteur. On parle par exemple de la suppression des notices papier dans les médicaments, ou encore de l’interdiction des prospectus publicitaires.Notre rôle, c’est de peser dès maintenant pour que la transition écologique ne se fasse pas sur le dos des travailleuses et des travailleurs. Il faut des lois pour garantir des emplois durables et qualifiés, pour imposer le maintien des compétences, et pour revaloriser les salaires.
Les comités d’entreprise européens doivent voir leurs prérogatives renforcées, afin qu’ils aient un réel pouvoir d’influence sur les décisions stratégiques. Car aujourd’hui, trop souvent, on les consulte a posteriori, quand tout est déjà décidé.
Si cette transition doit être juste, elle doit l’être jusqu’au bout. Pas seulement pour la planète, mais aussi pour celles et ceux qui y travaillent chaque jour.

Carlos Tunon, secrétaire général Filpac CGT

* Packaging and Packaging Waste Regulation (Règlement sur les emballages et les déchets d’emballages)