Syndicat Filpac CGT du Livre de Bordeaux
Rester lucides et vigilants
20 mars 2020
Rester lucides et vigilants
A l’heure où tout le pays se mobilise contre le COVID-19, il est de la responsabilité de notre organisation syndicale d’alerter les salariés sur les éventuelles conséquences des mesures d’accompagnement que ne vont pas manquer d’édicter ceux qui nous gouvernent et qui ont si mal appliqué la recommandation de cette célèbre citation :
“Gouverner, c’est prévoir : La meilleure manière d’assurer la paix, c’est de devancer les complications susceptibles d’amener la guerre”
La guerre contre le virus, ça y est, nous y sommes ! Notre chef de guerre, celui contre qui nous nous battons depuis des mois en contestant, notamment, sa réforme des retraites, vient de déclarer la guerre. Bien sûr, il aura mis, lui et ceux qui le conseillent, beaucoup de temps à prendre les décisions qui s’imposent et qui sont en vigueur depuis des semaines en Chine, et plus récemment en Italie.
Le choix d’organiser, malgré la situation sanitaire, le premier tour des élections municipales, n’était certainement pas innocent pour le parti au gouvernement bien mal embarqué dans ce scrutin. Le pari d’une faible participation assurée, suite aux annonces du Président, pouvait permettre d’envisager deux scénarios : soit de tirer son épingle du jeu (ce qui n’a pas du tout été le cas), soit d’expliquer la défaite au regard de l’aspect exceptionnel de la situation (ce qui fut le cas). Pendant ce temps, les décisions de confinement ont dû attendre avec toutes les conséquences que l’on commence à mesurer.
Ne soyons pas naïfs
Suite à la prise de parole du chef de l’État du 16 mars, nombre de chroniqueurs se sont empressés de discerner dans certains de ces propos le “virage social” du quinquennat. Macron, le libéral, surnommé, le “président des riches” venait, d’un coup d’un seul, de se convertir à l’Etat providence. Il n’a pas hésité à plébisciter notre système de santé qu’il a portant largement contribué à affaiblir et glorifié le travail des personnels de santé après que son gouvernement les ait fait gazer au lacrymogène et alors qu’ils se battent depuis des mois pour réclamer des moyens pour les services publics de la santé qui nous font défaut à présent. Ce même gouvernement a même été jusqu’à évoquer la possibilité de nationaliser des entreprises… pour probablement mieux socialiser les pertes par la suite…
Enfin, il est question d’Union sacrée. S’il s’agit d’appliquer toutes les décisions sanitaires qui s’imposent pour combattre la pandémie et mettre la vie de la population devant toute autre préoccupation, pourquoi pas ? Mais il est à craindre que cette idée d’Union sacrée (la dernière en France a précédé le déclenchement de la Première Guerre mondiale) ne soit surtout utilisée pour tenter de faire avaler des couleuvres au monde du travail.
Après les belles paroles, voyons les actes
Lorsque Emanuel Macron a affirmé que « Beaucoup de certitudes, de convictions sont balayées, seront remises en cause. Beaucoup de choses que nous pensions impossibles adviennent », on pouvait se laisser aller à croire qu’une prise de conscience basée sur des valeurs proches de celles que nous défendons depuis toujours l’animaient soudainement. Mais ne serait ce pas plutôt les mots qu’il utilisera pour nous impacter une fois la pandémie passée en tentant de nous faire payer la part des 1 100 milliards que la crise pandémique va coûter dans le monde ?
Car, la prochaine étape est un projet de loi d’urgence liée à la crise sanitaire qui sera soumise au Parlement. Cette loi prévoit notamment d’habiliter le gouvernement à légiférer par ordonnances sur le droit aux congés payés, au repos hebdomadaire et la durée du travail (35 heures). Ainsi le soutien aux entreprises va autoriser ces dernières à détricoter un certain nombre de droits acquis pour les salariés et cela de manière temporaire… mais sans pour autant définir de date limite ! Et on peut compter sur certains patrons pour se saisir de ces opportunités.
Déjà dans notre profession, un dirigeant (mis en exergue, lors de l’affaire des Panama Paper), a placé son argent dans des paradis fiscaux, détournant ainsi les fonds destinés notamment à notre système de santé. Ce même dirigeant expose maintenant au virus les personnels de ses ateliers dans ses entreprises, « les premiers de corvées », alors même que toutes ses activités sont loin d’être essentielles à la Nation.
Et que dire de ces quelques dirigeants d’entreprises, qui se mettent, eux et leur proche encadrement, en télétravail dans leur maison secondaire, en décidant de laisser leurs salariés sur le site de production se côtoyer au risque de se contaminer et de faire courir un risque grave de santé à eux mêmes et à leurs proches.
Ne pas laisser notre santé et notre vie à l’appréciation des patrons
Pour l’heure, le gouvernement garde la main sur les entreprises qui ont, de son point de vue, le
« droit » ou non de mettre leurs salariés en chômage partiel. Son appréciation se fonde sur l’activité de nombre d’entreprises qui seraient, selon lui, nécessaires à la vie de la Nation. Tant que l’entreprise respecterait scrupuleusement les consignes de sécurité de protection des salariés (arrêté du 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19) point de problème.
Mais en réalité, nous sommes parfois face à un mur dans certaines entreprises qui ne se préoccupent même pas de savoir si certains de ces salariés sont plus sensibles ou plus exposés à de graves risques du fait de la fragilité de leur santé. Encore hier, en Gironde, nous apprenions de sections du groupe MCC que des salariés avaient travaillé cette semaine alors que certains de leurs proches venaient d’être déclarés positifs au Covid 19 !
Cette situation de plus en plus anxiogène doit prioriser la protection totale des salariés. Vos sections syndicales ont reçu hier de notre part un tableau mettant en évidence les mesures prises dans des dizaines d’imprimeries et entreprises de nos branches en Gironde. On peut voir que mercredi, nombre d’entres elles n’avaient toujours pas pris d’initiative, ni consulté le CSE, ni fait le moindre communiqué ! Il y a même des directions qui refusent d’acter le droit de retrait de salariés sans bien sûr le justifier… Rappelons que la responsabilité de l’employeur pourra être engagée là où des manquements ont été constatés. Vous avez reçu de notre part aussi nombre de documents vous aidant à faire valoir vos positions.
Les fédérations patronales ont leur rôle à jouer. Elles ne doivent pas se limiter à conseiller les employeurs à respecter à minima l’arrêté du 15 mars.
Bordeaux le 19 mars 2020