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Avril ne se découvre pas d’un fil

5 février 2024

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• Montreuil, le 5 février 2024


Tout ça pour ça ! Le monde paysan en colère a bloqué des routes, et menacé d’entrer dans Paris et dans le marché de Rungis. Ses actions contre des préfectures et des grandes surfaces n’ont rencontré aucune résistance de la police, les CRS proposant même une nouvelle version du sketch des Inconnus en remplaçant les chasseurs par des manifestants : « Chef, c’est quoi la différence entre un bon et un mauvais manifestant ? » « Le mauvais manifestant c’est le zadiste gauchiste qui veut de meilleures conditions de travail et fait sa feignasse en voulant bosser jusqu’à 60 ans. Le bon manifestant roule en tracteur et il est soutenu par Cnews. »
Il aura fallu une enveloppe de 450 millions d’euros, avec des contours très flous (va-t-elle englober la suppression de la hausse du carburant ?) et la mort programmée du plan Écophyto pour que les tracteurs fassent demi-tour.

Les champs en lisier
Ces promesses répondent-elles à la misère paysanne ? Absolument pas. Aucun mot sur les acquisitions en dessous du prix de revient par les centrales d’achat. Rien sur les banques poussant au crédit pour mieux étouffer les exploitants. Que dalle sur les 23 milliards de chiffres d’affaires du groupe Lactalis en 2022, réalisés sur le dos de la majorité des éleveurs laitiers. Pourquoi faire autant de foin pour finalement rester sur la paille ?

Mets de l’huile
Les grands céréaliers sont les grands gagnants dans cette histoire. Parmi eux, Arnaud Rousseau. Président de la puissante et conservatrice FNSEA, il est aussi un des dirigeants du groupe Avril, quatrième groupe agro-industriel français. Le public connaît surtout les marques issues d’Avril, comme les huiles Lesieur et Puget, ou encore les œufs Matines. Il fabrique également de l’alimentation pour les animaux d’élevage comme les vaches, les cochons, la volaille et les lapins. Avril, c’est encore un groupe financier qui travaille avec le Crédit agricole et Natixis. Arnaud Rousseau dirige en plus une exploitation de plus de 700 hectares en Seine-et-Marne. Il a réparti ses terres en trois exploitations pour contourner les seuils limitant la taille des fermes… Enfin, il est maire de son village de 230 habitants. Autant dire qu’il est plus souvent assis dans un fauteuil de bureau que dans celui d’un tracteur. Ses fins de mois ne ressemblent pas non plus à celles d’un agriculteur moyen.

Du blé avant tout
C’est pourtant lui, pape de l’agrobusiness français, qui a négocié avec le gouvernement. La réforme de la PAC ?
Pour quoi faire ! « En 2021, le total de cette manne européenne s’est élevé précisément à 173 441 euros (pour ses exploitations, NDLR.). C’est 5,6 fois le montant moyen que touche une exploitation agricole en France » révèle Médiapart en avril 2023. Défenseur des pesticides, des OGM, et des mégabassines, il n’est pas difficile de comprendre que la santé des agriculteurs, le sort des éleveurs, et la protection nécessaire de l’environnement, Arnaud Rousseau s’en moque comme de son premier costard.

Le champ du départ
En attendant, les manifestants sont rentrés dans leurs campagnes avec de simples petites promesses dans leurs poches. Tant pis si les génuflexions d’Arnaud Rousseau cassent la dynamique d’un mouvement européen. Tant pis si les agriculteurs et éleveurs continuent de crever. Tant pis si les ouvriers agricoles n’ont pas de conventions collectives dignes et protectrices. L’important pour le président de la FNSEA n’est ni l’assiette des Français ni le travail de ses adhérents, mais bel et bien son profit.
Pourtant des solutions existent, notamment en dynamitant le système des centrales d’achat et de la grande distribution pour, qu’enfin, le travail soit rémunéré à sa juste valeur sans pour autant augmenter le prix de l’alimentation des Français. Visiblement, pour la FNSEA et la Coordination rurale il vaut mieux faucher les normes environnementales que d’assurer un avenir pérenne pour tous.